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Les modèles antirépublicains: pourquoi fascinent-ils les jeunes?

DOSSIER


Les modèles antirépublicains


Pourquoi fascinent-ils les jeunes?


Feymania, corruption, prostitution, tricherie… Ces actes qui sabotent les valeurs républicaines semblent fasciner des jeunes tentés par le gain facile. Évocation.

 

Par actes antirépublicains, nous entendons ceux-là qui vont à l’encontre des valeurs d’une République. Les idéaux de la République du Cameroun sont portés par ses emblèmes nationaux. Il s’agit principalement de la paix, de l’ardeur au travail et du patriotisme. Ils sont nombreux, ces Camerounais qui ne respectent pas ces valeurs républicaines par les actes qu’ils posent. Paradoxalement, ces derniers fascinent les jeunes qui les considèrent de plus en plus comme des exemples à suivre, autrement dit des modèles.

Ces « modèles », mais en réalité des anti-modèles, inspirent donc des jeunes. L’un des actes par lesquels ils se sont fait une réputation, mieux, une marque, c’est une forme d’escroquerie propre au Cameroun : on parle ici de « feymania ». Les « feymen » sont célèbres. Ils affichent une richesse ostentatoire: villas, grosses cylindrées, costumes dernier cri, farotage (distribution d’argent) à tout bout de champ, etc. L’une des figures mythiques de ce modèle est sans doute Donatien Koagne. Il s’était d’ailleurs présenté à l’immortel Nelson Mandela d’Afrique du Sud comme le « Roi du Cameroun », avant que le journaliste Pius Njawe, de passage au pays de Madiba, ne dévoile la supercherie. Donatien a suscité des vocations. De nombreux Camerounais partis en aventure à l’étranger ont fait de la feymania leur boulot. Tant et si bien que le Cameroun emporte aujourd’hui, aux yeux de certains dirigeants étrangers, l’image d’un pays des feymen. A l’intérieur même du pays, de nombreux apprentis-feymen s’exercent, avec plus ou moins de bonheur.

 

 

Corruption, prostitution, faux, etc.

 

Au-delà de la feymania, des jeunes sont tentés par la corruption, la prostitution sexuelle, le vandalisme, la tricherie, des pratiques sectaires, le vol, etc. La Cameroun a été plusieurs fois classé champion du monde de la corruption par l’ONG allemande Transparency International. En 2006, la campagne de lutte contre la corruption et le détournement de deniers publics a été lancée. Le bilan affiche aujourd’hui tout un gouvernement en prison, coiffé d’un Premier ministre. Mais avant leur mise en détention, ces personnalités ont eu le temps de frapper l’imaginaire des citoyens par leur richesse hors de proportion. Quoique répressive et dissuasive dans son essence, cette campagne ne semble pas toucher véritablement ceux qui sont aux affaires. Comment comprendre, par exemple, qu’un inspecteur des impôts dont le salaire avoisine à peine 250 000 FCFA par mois s’autorise un train de vie princier et que le procureur de la République, sur qui pèse un lourd soupçon permanent de corruption, ne s’en émeuve pas?

A côté de la corruption endémique à laquelle s’adonnent autant les « grands » que les « petits », le prostitution sexuelle est l’une des pratiques qui érodent les idéaux républicains. Au Cameroun en effet, elle n’est pas officiellement légalisée, mais officieusement pratiquée à grande échelle. Presque devenue un métier, la corruption est l’un des produits d’exportation du Cameroun. La légende de ces femmes qui se prostituent en Suisse, aux Îles Caïmans, à Singapore, à Bangalore, à Turin… et qui reviennent gratifier nos cités d’immeubles ultramodernes est bien vivace dans l’esprit des jeunes filles.

 

 

Aller au ciel sans mourir!

 

Dans le système de formation en général et à l’université en particulier, les étudiants sont régulièrement passés au conseil de discipline pour tricherie. Beaucoup sollicitent des notes sexuellement transmissibles. Certains enseignants, ainsi que le relève le Pr. Jean Emmanuel Pondi, sont passés maitres dans le harcèlement sexuel. Ce capharnaüm est une promesse de ce que la vie de ces jeunes sera demain. Ils sont marqués, comme l’observait le président de la République, Paul Biya, lors du mouvement populaire de revendication sociopolitique de fin février 2008, par le gain facile. Presque tous veulent devenir riches sans travailler, avoir le pouvoir sans le conquérir, être puissants sans honnêtement faire leurs armes, bref aller au ciel sans mourir. Une bonne majorité pense que l’on ne peut plus réussir à un concours sans monnayer ou sans qu’un parent bien placé dans les cercles vissés et viciés du pouvoir n’intervienne. Quelques-uns s’imaginent que l’on ne peut plus prétendre à une promotion sans se livrer à des incantations, y compris en pratiquant l’homosexualité. Rares sont ceux qui croient encore aux vertus du boulot, au sens où Voltaire disait que le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. Et pourtant, il faut cultiver notre jardin, notre propre jardin. /

 

 

Marius M. FONKOU, Etudiant d’Histoire.



13/07/2012
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