Thinking Onshore

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Et si l'émergence du Cameroun passait par les femmes?

 

 

 

        Les femmes sont des armes essentielles dans la lutte contre le sous développement de l’Afrique. Au quotidien, les actions qu’elles mènent donnent du crédit à leur engagement pour l’émergence du Cameroun en 2035 tel que prônée par le Chef de l’Etat. Fortes de leur potentiel inestimable, elles mettent tous les moyens en contribution pour annihiler les velléités de tous ceux et celles qui seraient animés d’intentions superstitieuses et se contentent de porter sur elles des regards très souvent dubitatifs. Nous sommes allés à la rencontre de quelques d’entre celles-là, entrepreneurs et non moins dévouées pour la plupart, aux fins de connaitre le secret de leur réussite, comprendre comment est ce qu’elles vivent au quotidien, comment elles font pour jouer à la fois les rôles de femmes, mères, épouses et chefs d’entreprises.


            Six entretiens vont constituer ce dossier sur l’entreprenariat des femmes au Cameroun. La première chef d'entreprise que nous avons rencontrée dans le cadre de ce dossier est une dame très dynamique. Agée de 50 ans seulement, elle est, avec son mari, propriétaire d’une entreprise exerçant dans les Bâtiments et Travaux Publics, Immobilière M&M. Mme Odile MOUKOURI MBILLA, juriste de formation, s’occupe de l’aspect administratif et financier de cette entreprise qui s’est installée au Cameroun depuis 5 ans seulement. Très ouverte et passionnée des questions de genre, elle est aussi consultante genre pour la banque mondiale et membre de nombreuses associations professionnelles de femmes entrepreneurs dont la plus importante pour elle est BPW (Business Professional Women).


               Voici ce qu'elle nous a confié.

 

Les femmes et l'expérience de l'entrepreneuriat au Cameroun.

 

 

Afrique Mystérieuse: Pourquoi avoir décidé d’entreprendre plutôt que travailler au sein d’une entreprise ?

 

Odile MOUKOURI: Personnellement, je suis juriste. J’ai travaillé pendant longtemps en Europe dans un organisme Européen  en tant que responsable Afrique des projets de développement en Afrique de l’Ouest. Je suis au Cameroun depuis 5 ans seulement. Mais mon mari qui est architecte a décidé de créer son entreprise. Nous nous sommes associés et nous avons décidé de créer cette entreprise. Je m’occupais des affaires financières et administratives où j’étais cogérante à 50%. Nous étions les seuls en Italie et les seuls en Afrique à faire ce que nous faisions. Cette société a pris de l’ampleur. Il y a cinq ans environ, le Président de la République a demandé au Ministre du commerce de faire une recherche au niveau international des entreprises camerounaises. 3000 entreprises ont répondu à l’appel du Président de la République et nous avons présenté notre projet qui a été retenu. Nous avons amené une technologie qui protège mes maisons contre l’humidité. Nous sommes donc rentrés nous installer au pays.

 

A. M.: Comment concilier vie de famille (au Cameroun où certaines personnes trouvent que la place de la femme est souvent  au foyer) et votre vie professionnelle ?

 

O. M.: Que ce soit au Cameroun, en Chine ou chez les esquimaux, une femme, vu ses conditions de femme, ne peut mener ses actions, ses entreprises sans la compréhension de son mari. Le partenaire doit être compréhensif pour qu’on puisse concilier les² deux². Et pour cela, nous devons l’amener à être compréhensif. La femme doit mettre son mari en confiance dans la façon de lui parler, l’accoutrement qu’elle arbore, etc., pour qu’il n’ait pas de doute. Il faut être organisé dans les affaires, les enfants et la famille. Dire par exemple que je consacre mon dimanche à mes enfants. Se donner une ligne de conduite tel faire le petit déjeuner aux enfants et à mon mari tous les matins. Pour conclure, le secret de la conciliation c’est le partenaire, la confiance et l’organisation.

 

A. M.: Quels sont les obstacles que vous rencontrez le plus au quotidien dans votre vie professionnelle ?

 

O. M.:La société est trop machiste. Quand il faut que j’aille éclaircir un dossier de ma compétence, on ne veut pas me voir parce que je suis une femme, et on préfère plutôt rencontrer mon mari qui est architecte et qui n’a rien à voir avec le coté administratif ou financier (back office).

En plus, dans les négociations, au lieu que le client ou l’administrateur regarde le cerveau ou la compétence, il regarde d’abord si je suis une femme. D’autre part, il y a les attitudes de basse moralité des femmes. Les femmes ne veulent pas changer leurs conditions. Que les femmes ne se vendent plus, qu’elles ne se livrent plus parce qu’elles veulent un poste ou un service, et l’on va respecter les femmes.

 

A. M.: Pensez-vous avoir des désavantages par rapport aux hommes (prêts bancaires, démarches administratives…) ?

 

O. M.: Non. On a plutôt les méfiances. Ce qui est terrible c’est que tu as en face de toi une femme qui est méfiante.

 

A. M.: Etes-vous membre d’une association de femmes entrepreneurs ?

 

O. M.: Oui. Parce que militante de très longue date  et je crois que le développement de l’Afrique passe par le secteur privé, par l’entreprenariat et non par le secteur public comme le pense certaines personnes au Cameroun. C’est le privé qui produit la richesse, ce dont le population a besoin pour vivre. Moi penseuse de développement et femme d’affaires, je suis en plein dans la sensibilisation des femmes pour l’entreprenariat privé. Ilo faut être du côté de ceux qui produisent. Je me suis peut être détachée des organismes dans lesquels je travaillais en Europe, mais je n’ai pas pour autant arrêté. Un des secteurs de mon expertise c’est l’entreprenariat féminin. Je milite dans les associations des chefs d’entreprises telles que BPW (Business and Professional Women qui existe dans le monde depuis 1930). Notre principal objectif ici est de veiller à la croissance professionnelle des femmes. On enseigne les attitudes, on donne les outils nécessaires pour croitre professionnellement et pour être une bonne femme. L’aspect femme entrepreneur est un aspect important. Je milite c et j’ai beaucoup encadré les réseaux de femmes en Afrique de l’Ouest. Etant au Cameroun, je ne pouvais pas rester sans rien faire.

 

A. M.: Avez-vous eu accès à des aides tels que l’accompagnement pour créer votre entité ?

 

O. M.: Oui. Quand on commence on a toujours des aides. J’ai eu l’accompagnement en Europe. Au Cameroun, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) m’a fait comprendre le système des impôts, de la CNPS et autres. On avait besoin de comprendre le cadre local.

 

A. M.: Votre mari/famille soutient-il votre démarche entrepreneuriale ?

 

O. M.: Mon mari me soutien largement. Et permettez-moi de vous dire que c’est le secret.

 

A. M.: Etait-il intéressé pour investir au sein de votre société ?

 

O. M.: Oui. Dès le début. Nous c’est un exemple de couple, de soutien, de patience d’un mari dans ce couple.

 

A. M.: Pensez-vous qu’il est facile d’entreprendre au Cameroun ? L’état encourage t-il les entrepreneurs ?

 

O. M.: Non. Ce n’est pas seulement une histoire de « gender ». C’est global, c’est une situation atypique au Cameroun. Les entrepreneurs souffrent, ont plus de soucis que tout le monde, contrairement aux autres pays du monde où les entrepreneurs ont le bien être et les fonctionnaires les pasteurs. Le Cameroun regorge une ressource humaine énorme. Vu la puissance de la femme, les camerounaises peuvent entreprendre. L’État du Cameroun est en train de faire des efforts ces derniers temps. Ça bouge un peu. Mais tout ce qu’on fait pour encourager l’entreprenariat féminin c’est de la fumée. C’est le cas du programme GOWE (Growth Opportunities for Women Entreprenership), qui avait une composante formation et finance faite partout dans le pays pour ce qui est de la formation. Mais suite aux prix remis, l’entreprise devait être financée par une banque et garantie à 50% par la Banque africaine de Développement (6milliards pour garantir 50% de l’entreprenariat des femmes). Ce qui est mal géré de nos jours. Il y a néanmoins des instruments pour l’entreprenariat féminin.

 

A. M.: Pensez-vous que les mœurs sont entrain d’évoluer au Cameroun par rapport aux égalités hommes/femmes dans le monde du travail ? Ont-elles accès à des postes à responsabilités facilement ?

 

O. M.: Oui. Juridiquement tout est bon au Cameroun, sauf quelques droits en matière de succession chez les veuves par exemple. Même au niveau du travail, tout est bon. Mais c’est dans les habitudes, les considérations, le machisme qu’il y a problème. La société est très machiste, mais la loi protège les femmes. Cependant, les femmes doivent d’abord être dignes. Pour les postes de responsabilité, facilement  non. Mais à travers des réseaux et non la compétence.

 

A. M.:  Selon vous, quels sont les principaux freins à la création d’entreprise pour les femmes ?

 

O. M.: Légalement il n’y a pas de freins hommes/femmes. Une femme avertit créer son entreprise en 72 heures comme un homme.

 

A. M.: Quels conseils donneriez-vous à une femme qui veut entreprendre au Cameroun ?

 

De le faire parce que le Cameroun en a besoin. Le Cameroun regorge des opportunités. il y a tout à faire chez nous. Nous avons du travail chez nous. Elles doivent rester des femmes dignes. On peut te retarder mais quand tu es sur le droit chemin, tu es une femme digne et tu y arrives. De se battre et d’éviter au max tout ce qui est négatif.

 

Entretien avec Marius M. FONKOU



26/10/2012
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