Thinking Onshore

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L'Afrique autrement


« Les jeunes camerounais manquent de véritables repères nationaux ».

Réaction à l’article de Marius M. FONKOU sur « Les modèles antirépublicains : pourquoi fascinent-ils les jeunes? ».

 

En prélude à la fête nationale de l’Unité, Marius M. FONKOU et de nombreux autres journalistes et étudiants ont rédigé une série d’articles pour le compte du n° 59 du magazine HORIZON PLUS. Le dossier « Les modèles antirépublicains: pourquoi fascinent-ils les jeunes? » m’a particulièrement marqué et j’ai (Beloise M. NGOUEGNI) décidé de faire parler ma plume.


Pourquoi les jeunes Camerounais préfèrent-ils les modèles antirépublicains?

Bonne question, très bonne question même; elle nous enverra fouiller non seulement dans l’histoire ; on le sait, c’est l’histoire d’un pays qui fait ses Hommes, mais aussi dans la psychosociologie étant donné que l’Homme est le fruit de la société dans laquelle il vit…


De désillusions en désillusions


S’il faut donner des synonymes au mot « désillusion », ce serait surement  « déception », « déconvenue »,  et … « Cameroun ». Oui Cameroun !  C’est bien ce que ce pays signifie pour la plupart de  ses citoyens depuis les années 60.

A chaque fois en effet que les Camerounais ont eu un rêve qui aurait pu les rendre « heureux », ce concubinage dévastateur est venu leur mettre un gout d’amertume dans la bouche faisant de ce fait grandir en eux un sentiment profond de frustration et de déception qui peut justifier en partie leur comportement d’aujourd’hui.

Petite leçon d’histoire :

D’entrée de jeu, il y a le grand rêve de l’indépendance d’avant 1960 ; rêve qui peint dans les fantasmes des Camerounais de cette dure époque une vie de liberté ; liberté de penser, liberté de parler, liberté de décider, liberté se sentir chez eux dans tous les recoins de leur pays. Le Camerounais rêve de « chasser les blancs » pour redevenir maitre chez lui. Pour réaliser ce rêve, convaincu que l’après serait forcement meilleur, ils  luttent, luttent pendant longtemps, pour la plupart jusqu’à la mort : Martin Paul SAMBA, Rudolph DOUALA MANGA BELL, Charles ATANGANA, UM NYOBE…

1946 : les choses commencent à s’améliorer avec la création de l’ARCAM (Assemblée Représentative du Cameroun) ; les Camerounais, majoritairement représentés, ont désormais leur mot à dire dans la gestion de leur pays. Mais ce n’est pas suffisant! Ils veulent plus ; l’autonomie interne complète. C’est ainsi que de lutte en lutte, l’espoir nait, notamment en 1957 avec l’investiture d’André Marie Mbida en qualité de premier ministre du Cameroun. Cet espoir se concrétise entre Février et Décembre 1958 avec la succession de ce dernier par Ahmadou Ahidjo qui à son arrivée, forme un nouveau gouvernement, demande dans son programme une autonomie interne totale, la fixation de la date de l’indépendance et de la réunification des deux Cameroun et enfin, la coopération avec la France ; programme qui va se concrétiser par l’ordonnance du 30 Décembre 1958.

1er Janvier 1960, joie totale, allégresse générale dans la nation ; l’indépendance est solennellement proclamée par  Ahmadou Ahidjo. Le Cameroun, désormais, n’est plus un pays colonisé, il n’est plus représenté par les assemblées françaises ; il a tous les pouvoirs pour faire ses lois administratives, le pays rend justice, la nationalité Camerounaise est reconnue sur le plan international. Ahmadou Ahidjo qui est élu en Mai de la même année président de la république est dès lors symbole de cette liberté, de cette indépendance sur laquelle le Camerounais avait tant fantasmé. Cependant, le Camerounais ne sait pas ce qui se cache derrière la « coopération avec la France » et encore moins  ce qui se cache derrière ce « havre  de paix » en la personne de Ahmadou Ahidjo.

A peine le temps de vivre pleinement ce premier grand rêve ; désillusion totale, éclaboussure indélébile de la joie de l’indépendance: régime de la terreur, dictature, Ahmadou Ahidjo est qualifié de « chef des harkis kamerunais auxquels la transition coloniale à la néo colonisation a confié les rênes du gouvernement fantoche de notre pays ».

Vient alors le second grand rêve national: Ahidjo doit partir ; il doit laisser sa place à un autre Camerounais qui ferra passer le Cameroun de « gouvernement fantoche » à « gouvernement réel », celui qui viendra restaurer le premier grand rêve Camerounais.

1982 : Ahidjo démissionne de son poste de président de la République du Cameroun le grand rêve est donc réalisé ; Paul Biya, alors premier ministre prend sa place, place confirmée par plus de 99% des suffrages exprimés lors des élections présidentielles anticipées du 4 janvier 1984. C’est le président de l’Espoir, le président de la Restauration, le président du Renouveau. Mais en 1986 survient ce que Ulrich TADADJEU va appeler une vingtaine d’années plus tard « crise de bienvenue aux multiples conséquences » : le train de vie de l’Etat chute, au fil du temps, le pays qui comptait parmi les plus développés de sa sous région tombe en récession.

Conséquences, réduction du budget de certains secteurs comme l’éducation, réduction du salaire des fonctionnaires, dégradation de l’économie et naturellement du climat social tout ceci ajouté à la monté de l’enrichissement illicite des membres du gouvernement porteur de l’espoir de tout un peuple.

Bref, deuxième gifle brutale et inattendue, naissance du troisième rêve : Voir Paul Biya partir !

Heureusement, l’espoir fait une foi de plus (…) ou de trop son entrée dans les cœurs avec la libéralisation politique qui conduit à la création de nouveaux partis politiques dont le SDF(Social Democratic Front), le parti de l’espoir ; espoir fracassé une fois de plus (…) ou de trop par les trucages électoraux notamment ceux de l’année 1992 où le Rapport de ‘International Crisis Group’, rapport du ‘Ndi in Ruptures et Continuités au Cameroun’ reconnait John Fru Ndi comme vainqueur.


 

Des désillusions à la mort… et au meurtre.


Exaspéré, le camerounais s’abandonne au déterminisme et au je m’enfoutisme ; il n’a plus ni volonté  et ni conscience, il est mort ! Il accepte désormais tout ce qui lui arrive sans broncher, il se «  laisse couler tranquillement dans le lit du fleuve le son destin » ; le peuple camerounais, jeune comme vieux est un peuple qui fait semblant de vivre pourtant, est collectivement mort.

Il s’est enterré soit dans le passé, soit dans les églises, soit il a tout simplement tué Dieu dans sa vie, ou… tout à la fois. Pour le constater il suffit 1-de l’écouter parler ; on reconnait tout de suite les champs lexicaux de la passivité et du ‘je m’enfoutisme’, surtout chez le jeune, le plus âgé se faisant plus discret. Des indices? « On va faire comment ? », « pour moi quoi ? », « je fabrique ? », « mon ami ! Dieu en m’envoyant il a dit ‘parts’ et non ‘partez’… »  et j’en passe. Chez le plus âgé, entendez ici celui qui a vécu à l’ère Ahidjo, on retrouve plutôt le champ lexical de la nostalgie : « Au temps de Ahidjo… » pour évoquer le temps où il avait beaucoup d’argent.  2-De voir le nombre et les différents noms d’églises qui existent dans votre ville uniquement : « La chapelle des vainqueurs », « Jésus revient bientôt », « L’église du bonheur »…

En effet, le Camerounais, avec son « cœur de lion indomptable » a continué à croire en un avenir meilleur malgré tout et ce, pendant longtemps ; jusqu’à  comprendre progressivement que cela ne valait pas la peine : les opposants au système en place sur qui il comptait ne s’entendent pas entre eux, ils n’acceptent pas eux même l’opposition (cf. Marius M. Fonkou «  Je suis opposant, donc ne t’oppose pas à moi »), on les qualifie même de « ministères du gouvernement » vu leur proximité à celui-ci, les élections manquent de crédibilité et… le camerounais est toujours pauvre, la vie est toujours chère, rien ne change si ce n’est vers le négatif. Il (le camerounais) abandonne donc les urnes à leur propre sort, il jette les armes en tout ce qui concerne l’avenir du pays et en parlant d’avenir on voit aussi directement l’éducation des jeunes, fer de lance de la nation comme il se plaît tant à le dire.                                     

Evidemment, lorsqu’on est mort, on n’a plus rien à perdre, on n’a plus rien à donner, on n’a plus peur d’être jugé, on ne s’inquiète plus de rien, tout ce qui compte c’est « moi » même si on fait semblant de vivre avec l’autre, le pays, on s’en fou.


 

De la mort à l’hypocrisie.


Noyé dans ce climat, le camerounais se limite désormais au court terme, je dirai même au très court terme, n’hésitant pas à ‘marcher à droite en regardant à gauche’. « Le bas ventre et le ventre, le tour est joué » chanté par Lady Ponce n’est pas une phrase anodine capturée lors d’une bouffée d’excitation, non ! C’est la loi qui régit la vie de bon nombre de Camerounais.  On verra ainsi des jeunes étudiants se plaignant chaque jour des conditions de vie imposées par le système en place ne pas hésiter à soutenir ce même système parce qu’il y a toujours le « onzième point » à la fin de ses manifestations ou encore, ils n’hésiteront pas à tenir un discours laudatif à l’endroit des personnes qu’ils culpabilisent pour leur malheur parce qu’il y aura « quelque chose » à la fin. Aux personnes indiscrètes ils répondront « on va faire comment ? » ou « le camer a les dents » ou encore « je fabrique ? ».

Les plus courageux sont bel et bien encouragés par leurs tiers mais au moindre obstacle ceux-ci se dérobent discrètement sous les phrases telles que « mon ami, on n’est pas venu au monde ensemble ! » si ce n’est eux même qui livrent leur « héro » en échange d’un peu de sous, ou d’un poste bien ou mal fourni ou d’un billet d’avion pour fuir ce « camer qui a les dents ».                                                                                        Un psychologue vous dirait qu’ils n’ont pas tord de se comporter ainsi, ils ne sont que le fruit d’évènements déconcertants hérités ou non, le fruit de leur temps et leur société.


En plus...


Pourquoi le jeune camerounais devrait-il aujourd’hui décider de changer les choses, de se comporter autrement que monsieur tout le monde ? Le jeune camerounais dès la base est en effet soigneusement protégé de la culture de l’effort. Il avance quoi qu’il en soit, qu’il ait assimilé ou non ses leçons, tout le monde a droit à une place dans le train de la  ‘promotion collective’ ; et ce ne sont pas les responsables de l’éducation de base qui s’en arrachent les cheveux. Dans ce climat, étant donné que les choses deviennent un peu plus rudes au fur et mesure qu’il avance et se confronte à de nouvelles réalités, le jeune camerounais « fer de lance de la nation » ne peut que tricher, corrompre, se livrer au pratiques immorales sous l’œil approbateur des plus grands bien sur. Pas étonnant donc de constater que le taux de tricherie va grandissant dans les établissements scolaires et estudiantins et dans la société en générale!                                                                                                                                                                                        

Ajouté à tout cela, le jeune Camerounais manque cruellement de repères nationaux ; il n’a, ni ne connait ses héros nationaux ; par conséquent, il abandonne toutes luttes tout héroïsme et se conforme à la masse. Petite précision ; par les ‘héros’ je veux dire les ‘vrais héros’ tels Rudolph DOUALA MANGA BELL, UM NYOBE, Félix Roland MOUMIE, Ernest OUANDIE, pas les célèbres « feymen » comme Donatien KOAGNE et les autres, car ceux là sont connus dans les moindres détails… sans compter les héros des téléréalités et séries américaines et européennes tant affectionnées par les médias et à qui le jeune Camerounais voue un suivisme moutonnier faute de connaissance réelle des vrais modèles nationaux.

Pour renchérir encore plus, lorsqu’on regarde les médias qui sont un puissant moyen de control de l’opinion sociale, on a l’impression que tout le monde veut faire croire aux jeunes que leur pays est en état de décomposition avancé et qu’on ne peut plus rien faire pour le sauver; le pire c’est que cela marche plutôt bien jusqu’ici. Ils ne présentent que la face négative de la nation, rarement la face positive; rarement des personnes qui sont allés à contre courant des idéologies en place, pourtant il y en a il suffit de vouloir les trouver ce que je vous invite à faire.

D’un héritage douloureux des frustrations et des déceptions de leurs parents à une mort précoce aux multiples conséquences, les raisons de l’engouement des jeunes camerounais pour les modèles antirépublicains sont multiples et pour certaines, expressément occasionnées. Ils sont des dignes fils de leur société.  Mais il n’en demeure pas moins que tout ce qu’on fait de sa vie est un choix exprès et délibéré et les jeunes Camerounais pour la plupart, ont décidé de ne pas choisir, de laisser les réalités sociales et politiques de leur pays choisir à leur place. On dira que les jeunes Camerounais sont des innocents dans l’histoire mais n’oublions pas… l’innocence est une culpabilité ignorée ou… refoulée.


 

«  La réussite se trouve dans l’effort et non dans le résultat »…

 Je vous Aime…

Beloise M. NGOUEGNI


15/12/2012
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Et si l'émergence du Cameroun passait par les femmes? Episode 2

 

Le deuxième entretien qui constitue ce dossier sur l’entrepreneuriat féminin au Cameroun a été réalisé à Yaoundé. La chef d’entreprise que nous avons rencontré cette fois est une jeune dame qui aime relever les défis parce qu’elle se dit compétente. Mme MAKEUGNE TEGANKAM Nikème puisqu’il s’agit d’elle est âgée seulement de 28 ans. Fiancée et mère d’un enfant (enfant qui d’une manière ou d’autre est à l’origine de la création de son entreprise) est la responsable de DUO Expertise, jeune entreprise exerçant dans le domaine des Télécommunications.

Nous sommes allés à sa rencontre et aussi à la découverte de son entreprise située au marché central. Toute joviale, accueillante et chaleureuse, voici ce qu’elle nous a confiée.

 

 

Afrique Mystérieuse: Pourquoi avoir décidé d’entreprendre plutôt que travailler au sein d’une entreprise ?

 

MAKEUGNE Nikème: J’ai décidé d’entreprendre parce que je suis d’abord ingénieur en Télécommunication. Et pour que quelqu’un puisse s’affirmer dans mon domaine, il doit prouver par la compétence. Et puisque je suis compétente, je voulais prouver que je peux gérer une entreprise. Je voulais aussi être maitre de mon temps, être plus disponible et être surtout à mon propre compte.

 

A. M.: Comment concilier vie de famille (au Cameroun où la place de la femme est souvent  au foyer) et votre vie professionnelle ?

 

M. N.: Pour concilier les deux facilement parce que j’y tiens temps, j’ai choisi de m’investir dans le domaine du Web. Je suis productive à 70% partout j’ai la possibilité d’avoir la connexion internet. Du moment où il y a internet je suis opérationnelle.

 

A. M.: Quels sont les obstacles que vous rencontrez le plus au quotidien dans votre vie professionnelle ?

 

M. N.: C’est plus des obstacles liés à l’entreprenariat. Nous sommes abandonnés à nous même. Et c’est en forgeant, en travaillant que je découvre le métier. Avec les hommes, cela ne me pose pas réellement un problème. Vous pouvez constater que tous mes employés ici sont des hommes et je n’ai jamais eu de problèmes avec eux.

 

A. M.: Pensez-vous avoir des désavantages par rapport aux hommes (prêts bancaires, démarches administratives…) ?

 

M. N.: Oui. Au niveau de la démarche administrative, lorsque j’ai en face de moi une femme, tout est bloqué, les dossiers dans leur processus est ralenti et parfois même n’avancent plus. Je peux dire jusqu’ici, ce sont les femmes qui me créent des difficultés dans les démarches administratives. Au niveau bancaire, je n’ai pas de problèmes qui sont liés au fait que je sois une femme.

 

A. M.: Etes-vous membre d’une association de femmes entrepreneurs?

 

M. N.: Non. Je n’ai pas assez de temps.

 

A. M.: Avez-vous eu accès à des aides tels que l’accompagnement pour créer votre entité ?

 

M. N.: Pour créer mon entreprise, j’ai eu mon apport personnel et les aides familiales.

 

A. M.: Votre mari/famille soutient-il votre démarche entrepreneuriale ?

 

M. N.: Oui. Sans mon famille et surtout mon mari, je serai morte depuis longtemps. J’ai rencontré de nombreuses difficultés, et ce sont eux qui m’ont aidé à m’en sortir.

 

A. M.: Etait-il intéressé pour investir au sein de votre société ?

 

M. N.: Oui. Mais pas en tant qu’actionnaire. Mais plus pour me soutenir, soutien désintéressé.

 

A. M.: Pensez-vous qu’il est facile d’entreprendre au Cameroun ? L’état encourage t-il les entrepreneurs ?

 

M. N.: Non. Je déconseille. Ou bien si vous voulez vous lancer dans l’entreprenariat, il faut avoir des cotes solides pendant 3 ou 4 ans minimum.

Pour ce qui est de l’Etat, il n’encourage pas du tout. Il gagnerait à accompagner les entreprises après leur création. J’ai pu créer mon entreprise en 72 heures. Je paye une patente de 72 000 francs par an (exonération). C’est déjà un pas. Mais l’Etat gagnerait à suivre les entreprises au moins pendant 3 ans après la création.

 

A. M.: Pensez-vous que les mœurs sont entrain d’évoluer au Cameroun par rapport aux égalités hommes/femmes dans le monde du travail? Ont-elles accès à des postes à responsabilités facilement ?

 

M. N.: Non. Les hommes et même les femmes ne sont pas fiers de voir une femme occuper un certain poste. C’est parce qu’on m’a volé mon poste de responsabilité alors que j’étais enceinte que je me suis retrouvé ici. J’ai d’abord perdu mon poste technique pendant mon congé de maternité aux dépens d’un homme, et à mon retour je me suis retrouvée commerciale. Je n’ai pas apprécié et j’ai donc décidé de claquer la porte pour créer ma propre entité.

 

A. M.: Selon vous, quels sont les principaux freins à la création d’entreprise pour les femmes ?

 

M. N.: Le consentement du mari peut être un frein. Il a certes toujours son mot à dire mais il y a des fois où nous ne sommes pas obligé d’avoir ce consentement.  Il y a aussi le soutien car les gens ne croient pas beaucoup en ce qu’ils font. Il fut donc leur soutenir financièrement, pratiquement moralement et psychologiquement.

 

A. M.: Quels conseils donneriez-vous à une femme qui veut entreprendre au Cameroun ?

 

M. N.: De réfléchir longuement, de croire en son projet et de travailler sans relâche.

 

Entretien avec Marius M. FONKOU


03/11/2012
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Et si l'émergence du Cameroun passait par les femmes?

 

 

 

        Les femmes sont des armes essentielles dans la lutte contre le sous développement de l’Afrique. Au quotidien, les actions qu’elles mènent donnent du crédit à leur engagement pour l’émergence du Cameroun en 2035 tel que prônée par le Chef de l’Etat. Fortes de leur potentiel inestimable, elles mettent tous les moyens en contribution pour annihiler les velléités de tous ceux et celles qui seraient animés d’intentions superstitieuses et se contentent de porter sur elles des regards très souvent dubitatifs. Nous sommes allés à la rencontre de quelques d’entre celles-là, entrepreneurs et non moins dévouées pour la plupart, aux fins de connaitre le secret de leur réussite, comprendre comment est ce qu’elles vivent au quotidien, comment elles font pour jouer à la fois les rôles de femmes, mères, épouses et chefs d’entreprises.


            Six entretiens vont constituer ce dossier sur l’entreprenariat des femmes au Cameroun. La première chef d'entreprise que nous avons rencontrée dans le cadre de ce dossier est une dame très dynamique. Agée de 50 ans seulement, elle est, avec son mari, propriétaire d’une entreprise exerçant dans les Bâtiments et Travaux Publics, Immobilière M&M. Mme Odile MOUKOURI MBILLA, juriste de formation, s’occupe de l’aspect administratif et financier de cette entreprise qui s’est installée au Cameroun depuis 5 ans seulement. Très ouverte et passionnée des questions de genre, elle est aussi consultante genre pour la banque mondiale et membre de nombreuses associations professionnelles de femmes entrepreneurs dont la plus importante pour elle est BPW (Business Professional Women).


               Voici ce qu'elle nous a confié.

 

Les femmes et l'expérience de l'entrepreneuriat au Cameroun.

 

 

Afrique Mystérieuse: Pourquoi avoir décidé d’entreprendre plutôt que travailler au sein d’une entreprise ?

 

Odile MOUKOURI: Personnellement, je suis juriste. J’ai travaillé pendant longtemps en Europe dans un organisme Européen  en tant que responsable Afrique des projets de développement en Afrique de l’Ouest. Je suis au Cameroun depuis 5 ans seulement. Mais mon mari qui est architecte a décidé de créer son entreprise. Nous nous sommes associés et nous avons décidé de créer cette entreprise. Je m’occupais des affaires financières et administratives où j’étais cogérante à 50%. Nous étions les seuls en Italie et les seuls en Afrique à faire ce que nous faisions. Cette société a pris de l’ampleur. Il y a cinq ans environ, le Président de la République a demandé au Ministre du commerce de faire une recherche au niveau international des entreprises camerounaises. 3000 entreprises ont répondu à l’appel du Président de la République et nous avons présenté notre projet qui a été retenu. Nous avons amené une technologie qui protège mes maisons contre l’humidité. Nous sommes donc rentrés nous installer au pays.

 

A. M.: Comment concilier vie de famille (au Cameroun où certaines personnes trouvent que la place de la femme est souvent  au foyer) et votre vie professionnelle ?

 

O. M.: Que ce soit au Cameroun, en Chine ou chez les esquimaux, une femme, vu ses conditions de femme, ne peut mener ses actions, ses entreprises sans la compréhension de son mari. Le partenaire doit être compréhensif pour qu’on puisse concilier les² deux². Et pour cela, nous devons l’amener à être compréhensif. La femme doit mettre son mari en confiance dans la façon de lui parler, l’accoutrement qu’elle arbore, etc., pour qu’il n’ait pas de doute. Il faut être organisé dans les affaires, les enfants et la famille. Dire par exemple que je consacre mon dimanche à mes enfants. Se donner une ligne de conduite tel faire le petit déjeuner aux enfants et à mon mari tous les matins. Pour conclure, le secret de la conciliation c’est le partenaire, la confiance et l’organisation.

 

A. M.: Quels sont les obstacles que vous rencontrez le plus au quotidien dans votre vie professionnelle ?

 

O. M.:La société est trop machiste. Quand il faut que j’aille éclaircir un dossier de ma compétence, on ne veut pas me voir parce que je suis une femme, et on préfère plutôt rencontrer mon mari qui est architecte et qui n’a rien à voir avec le coté administratif ou financier (back office).

En plus, dans les négociations, au lieu que le client ou l’administrateur regarde le cerveau ou la compétence, il regarde d’abord si je suis une femme. D’autre part, il y a les attitudes de basse moralité des femmes. Les femmes ne veulent pas changer leurs conditions. Que les femmes ne se vendent plus, qu’elles ne se livrent plus parce qu’elles veulent un poste ou un service, et l’on va respecter les femmes.

 

A. M.: Pensez-vous avoir des désavantages par rapport aux hommes (prêts bancaires, démarches administratives…) ?

 

O. M.: Non. On a plutôt les méfiances. Ce qui est terrible c’est que tu as en face de toi une femme qui est méfiante.

 

A. M.: Etes-vous membre d’une association de femmes entrepreneurs ?

 

O. M.: Oui. Parce que militante de très longue date  et je crois que le développement de l’Afrique passe par le secteur privé, par l’entreprenariat et non par le secteur public comme le pense certaines personnes au Cameroun. C’est le privé qui produit la richesse, ce dont le population a besoin pour vivre. Moi penseuse de développement et femme d’affaires, je suis en plein dans la sensibilisation des femmes pour l’entreprenariat privé. Ilo faut être du côté de ceux qui produisent. Je me suis peut être détachée des organismes dans lesquels je travaillais en Europe, mais je n’ai pas pour autant arrêté. Un des secteurs de mon expertise c’est l’entreprenariat féminin. Je milite dans les associations des chefs d’entreprises telles que BPW (Business and Professional Women qui existe dans le monde depuis 1930). Notre principal objectif ici est de veiller à la croissance professionnelle des femmes. On enseigne les attitudes, on donne les outils nécessaires pour croitre professionnellement et pour être une bonne femme. L’aspect femme entrepreneur est un aspect important. Je milite c et j’ai beaucoup encadré les réseaux de femmes en Afrique de l’Ouest. Etant au Cameroun, je ne pouvais pas rester sans rien faire.

 

A. M.: Avez-vous eu accès à des aides tels que l’accompagnement pour créer votre entité ?

 

O. M.: Oui. Quand on commence on a toujours des aides. J’ai eu l’accompagnement en Europe. Au Cameroun, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) m’a fait comprendre le système des impôts, de la CNPS et autres. On avait besoin de comprendre le cadre local.

 

A. M.: Votre mari/famille soutient-il votre démarche entrepreneuriale ?

 

O. M.: Mon mari me soutien largement. Et permettez-moi de vous dire que c’est le secret.

 

A. M.: Etait-il intéressé pour investir au sein de votre société ?

 

O. M.: Oui. Dès le début. Nous c’est un exemple de couple, de soutien, de patience d’un mari dans ce couple.

 

A. M.: Pensez-vous qu’il est facile d’entreprendre au Cameroun ? L’état encourage t-il les entrepreneurs ?

 

O. M.: Non. Ce n’est pas seulement une histoire de « gender ». C’est global, c’est une situation atypique au Cameroun. Les entrepreneurs souffrent, ont plus de soucis que tout le monde, contrairement aux autres pays du monde où les entrepreneurs ont le bien être et les fonctionnaires les pasteurs. Le Cameroun regorge une ressource humaine énorme. Vu la puissance de la femme, les camerounaises peuvent entreprendre. L’État du Cameroun est en train de faire des efforts ces derniers temps. Ça bouge un peu. Mais tout ce qu’on fait pour encourager l’entreprenariat féminin c’est de la fumée. C’est le cas du programme GOWE (Growth Opportunities for Women Entreprenership), qui avait une composante formation et finance faite partout dans le pays pour ce qui est de la formation. Mais suite aux prix remis, l’entreprise devait être financée par une banque et garantie à 50% par la Banque africaine de Développement (6milliards pour garantir 50% de l’entreprenariat des femmes). Ce qui est mal géré de nos jours. Il y a néanmoins des instruments pour l’entreprenariat féminin.

 

A. M.: Pensez-vous que les mœurs sont entrain d’évoluer au Cameroun par rapport aux égalités hommes/femmes dans le monde du travail ? Ont-elles accès à des postes à responsabilités facilement ?

 

O. M.: Oui. Juridiquement tout est bon au Cameroun, sauf quelques droits en matière de succession chez les veuves par exemple. Même au niveau du travail, tout est bon. Mais c’est dans les habitudes, les considérations, le machisme qu’il y a problème. La société est très machiste, mais la loi protège les femmes. Cependant, les femmes doivent d’abord être dignes. Pour les postes de responsabilité, facilement  non. Mais à travers des réseaux et non la compétence.

 

A. M.:  Selon vous, quels sont les principaux freins à la création d’entreprise pour les femmes ?

 

O. M.: Légalement il n’y a pas de freins hommes/femmes. Une femme avertit créer son entreprise en 72 heures comme un homme.

 

A. M.: Quels conseils donneriez-vous à une femme qui veut entreprendre au Cameroun ?

 

De le faire parce que le Cameroun en a besoin. Le Cameroun regorge des opportunités. il y a tout à faire chez nous. Nous avons du travail chez nous. Elles doivent rester des femmes dignes. On peut te retarder mais quand tu es sur le droit chemin, tu es une femme digne et tu y arrives. De se battre et d’éviter au max tout ce qui est négatif.

 

Entretien avec Marius M. FONKOU


26/10/2012
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Les modèles antirépublicains: pourquoi fascinent-ils les jeunes?

DOSSIER


Les modèles antirépublicains


Pourquoi fascinent-ils les jeunes?


Feymania, corruption, prostitution, tricherie… Ces actes qui sabotent les valeurs républicaines semblent fasciner des jeunes tentés par le gain facile. Évocation.

 

Par actes antirépublicains, nous entendons ceux-là qui vont à l’encontre des valeurs d’une République. Les idéaux de la République du Cameroun sont portés par ses emblèmes nationaux. Il s’agit principalement de la paix, de l’ardeur au travail et du patriotisme. Ils sont nombreux, ces Camerounais qui ne respectent pas ces valeurs républicaines par les actes qu’ils posent. Paradoxalement, ces derniers fascinent les jeunes qui les considèrent de plus en plus comme des exemples à suivre, autrement dit des modèles.

Ces « modèles », mais en réalité des anti-modèles, inspirent donc des jeunes. L’un des actes par lesquels ils se sont fait une réputation, mieux, une marque, c’est une forme d’escroquerie propre au Cameroun : on parle ici de « feymania ». Les « feymen » sont célèbres. Ils affichent une richesse ostentatoire: villas, grosses cylindrées, costumes dernier cri, farotage (distribution d’argent) à tout bout de champ, etc. L’une des figures mythiques de ce modèle est sans doute Donatien Koagne. Il s’était d’ailleurs présenté à l’immortel Nelson Mandela d’Afrique du Sud comme le « Roi du Cameroun », avant que le journaliste Pius Njawe, de passage au pays de Madiba, ne dévoile la supercherie. Donatien a suscité des vocations. De nombreux Camerounais partis en aventure à l’étranger ont fait de la feymania leur boulot. Tant et si bien que le Cameroun emporte aujourd’hui, aux yeux de certains dirigeants étrangers, l’image d’un pays des feymen. A l’intérieur même du pays, de nombreux apprentis-feymen s’exercent, avec plus ou moins de bonheur.

 

 

Corruption, prostitution, faux, etc.

 

Au-delà de la feymania, des jeunes sont tentés par la corruption, la prostitution sexuelle, le vandalisme, la tricherie, des pratiques sectaires, le vol, etc. La Cameroun a été plusieurs fois classé champion du monde de la corruption par l’ONG allemande Transparency International. En 2006, la campagne de lutte contre la corruption et le détournement de deniers publics a été lancée. Le bilan affiche aujourd’hui tout un gouvernement en prison, coiffé d’un Premier ministre. Mais avant leur mise en détention, ces personnalités ont eu le temps de frapper l’imaginaire des citoyens par leur richesse hors de proportion. Quoique répressive et dissuasive dans son essence, cette campagne ne semble pas toucher véritablement ceux qui sont aux affaires. Comment comprendre, par exemple, qu’un inspecteur des impôts dont le salaire avoisine à peine 250 000 FCFA par mois s’autorise un train de vie princier et que le procureur de la République, sur qui pèse un lourd soupçon permanent de corruption, ne s’en émeuve pas?

A côté de la corruption endémique à laquelle s’adonnent autant les « grands » que les « petits », le prostitution sexuelle est l’une des pratiques qui érodent les idéaux républicains. Au Cameroun en effet, elle n’est pas officiellement légalisée, mais officieusement pratiquée à grande échelle. Presque devenue un métier, la corruption est l’un des produits d’exportation du Cameroun. La légende de ces femmes qui se prostituent en Suisse, aux Îles Caïmans, à Singapore, à Bangalore, à Turin… et qui reviennent gratifier nos cités d’immeubles ultramodernes est bien vivace dans l’esprit des jeunes filles.

 

 

Aller au ciel sans mourir!

 

Dans le système de formation en général et à l’université en particulier, les étudiants sont régulièrement passés au conseil de discipline pour tricherie. Beaucoup sollicitent des notes sexuellement transmissibles. Certains enseignants, ainsi que le relève le Pr. Jean Emmanuel Pondi, sont passés maitres dans le harcèlement sexuel. Ce capharnaüm est une promesse de ce que la vie de ces jeunes sera demain. Ils sont marqués, comme l’observait le président de la République, Paul Biya, lors du mouvement populaire de revendication sociopolitique de fin février 2008, par le gain facile. Presque tous veulent devenir riches sans travailler, avoir le pouvoir sans le conquérir, être puissants sans honnêtement faire leurs armes, bref aller au ciel sans mourir. Une bonne majorité pense que l’on ne peut plus réussir à un concours sans monnayer ou sans qu’un parent bien placé dans les cercles vissés et viciés du pouvoir n’intervienne. Quelques-uns s’imaginent que l’on ne peut plus prétendre à une promotion sans se livrer à des incantations, y compris en pratiquant l’homosexualité. Rares sont ceux qui croient encore aux vertus du boulot, au sens où Voltaire disait que le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. Et pourtant, il faut cultiver notre jardin, notre propre jardin. /

 

 

Marius M. FONKOU, Etudiant d’Histoire.


13/07/2012
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A boulets rouges sur les emblèmes: une exploration à partir de la musique

A boulets rouges sur les emblèmes


Quand la musique déconstruit la devise.

 

A travers leurs œuvres, des musiciens constatent qu’il existe une contradiction ou un écart entre les valeurs que prônent les emblèmes du Cameroun et le comportement quotidien des citoyens. Le cas de la devise « Paix – Travail – Patrie » est une illustration patente. Si nous avons appris que l’amour de la patrie passe par le travail et la mise en œuvre des idéaux de paix, cela semble ne pas être le cas sur le terrain. Dans son morceau intitulé « Cameroun quelle image », Le Bronx, en featuring avec Krotal, pense que la devise du pays est bafouée. Au Cameroun, constate-t-il, on dit qu’il y a la paix, pourtant il n’y a pas de travail. Pareille situation met en interrogation le patriotisme de chaque Camerounais. Comment être en paix lorsqu’on est au chômage, lorsqu’on est sous employé, lorsqu’on est mal rémunéré, etc. Comment aimer son pays, avoir un amour pour le pays dont on est originaire ou pour lequel on a des attaches particulières, lorsqu’on ne travaille pas pour le nourrir et le construire. Certains morceaux de musiques engagées nous convient à cette réflexion en subvertissant notamment la devise du Cameroun. /

 

 

 

Marius M. FONKOU, Etudiant d’Histoire.


13/07/2012
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